En direct de maintenant (volume 2)
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Qui vient avant ? Ce qu'on dit ou ce qu'on pense ?
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- Alors dire des mots en les faisant vibrer avec mes cordes vocales ou les dire dans ma tête, c'est pareil ? Enfin, je veux dire, le sens de la phrase ne change pas ? Quand je parle, je "dis" directement des pensées ! Ça peut paraître bête mais ça me scie !
- Disons qu'on y fait pas attention, ça va trop vite. Mais je trouve que ce n'est pas le plus sciant dans l'histoire.
- Alors scions ! Qu'est ce qui peut me surprendre plus ?
- Tiens, prenons cette dernière phrase "Qu'est ce qui peut me surprendre plus ?" As-tu eu le temps de réfléchir à cette phrase avant de la dire ? As-tu réfléchis à son sens ? Sa forme ? Son intonation ?
- Disons que c'est sorti comme ça, enfin, je crois.
- Regarde bien chacune des phrases qui viennent. Les réfléchis-tu ?
- Ben ça dépend, si je cherche à convaincre quelqu'un ou à ne pas le blesser par exemple, et bien, je vais faire attention à ce que je dis.
- Super exemple!
- Ah bon ?
- Oui, félicitations !
- Bon ben, si tu le dis.
- C'est un bel exemple qui montre la vitesse à laquelle tout cela se passe.
- Ok.
- Le comportement d'un ami te gêne. C'est délicat de lui dire mais tu comptes le faire. Tu vas effectivement essayer d'y mettre les formes car cela te tiens à cœur de ne pas le froisser, admettons.
- Oui, dans cette situation, je vais bien réfléchir avant de parler. Je ne vais pas dire littéralement ce que me dit ma pensée. Je fais le tri, puis je parle. Je suis donc au contrôle.
- Au cœur de l'action, dans l'instant où ta première phrase "choisie" si précautionneusement sort, peux tu seulement m'assurer à 100% des mots et de l'intonation exactes qui émergeront.
- Certainement mais l'idée globale de départ sera là non ?
- La question est de savoir si nous sommes pleinement à 100% au contrôle de ce qui sort de notre bouche. L'idée que tu souhaitais véhiculer peut être formulée de bien des façons. Mais tu es censé avoir réfléchi en principe à LA façon avec laquelle tu allais véhiculer cette idée et si possible, au mot près. Ma question est : est-ce à 100% de cette façon que cela sort dans le feu de l'action ?
- Beh ! J'en sais rien, je n'ai pas pris l'habitude d'enregistrer !
- Là, on se rejoint. En vrai, on en sait rien. Ce qui veut avant tout dire, qu'on n'est jamais sûr à 100% que ce qu'on imaginait dire soit fidèlement retranscrit verbalement dans l'instant.
- Mais attends deux minutes. Qu'en est-il des acteurs ? Ils lancent leur texte en étant précis aussi bien dans les mots que dans l'intonation et même le geste.
- Alors il serait intéressant de faire 10 fois la supposée "même scène". Te paraît-il raisonnable de considérer qu'à l'observation de ces scènes nous voyons strictement la même chose ?
- mmmh. Ça paraît peu probable. Surtout pour les gestes, à mon sens. Et puis on sait qu'il peut y avoir une liberté d'interprétation de l'acteur. Et un enfant qui récite une poésie ?!
- Et bien filme-le réciter plusieurs fois. Ce n'est jamais la même chose non ?
- mmmh. Résumons, donc, j'ai pris le cas où tu es censé réfléchir tes mots, le cas des acteurs et de la récitation. A y regarder de plus près, aucune scène ne peut se reproduire au millimètre près de manière identique à elle-même. Qu'en est-il de la vie quotidienne alors ? Je veux dire, sans aller jusqu'à l'acteur. Les mots sortent comme et quand ils veulent ? Sans qu'on y réfléchisse ? On délire là !
- Attends, on se détend. Un tisane ? Un bain chaud ? Une petite bossa-nova ?
- Non, mais c'est quand même dingue que ce qu'on pense n'est pas fidèlement retranscris verbalement. Tout au moins, il semble impossible de savoir si j'exprime physiquement exactement ce que je pense.
- Et c'est pas le pire !
- Je veux un bain chaud.
- Parlons justement des pensées. Sommes-nous d'accord pour dire qu'elles précèdent les mots ?
- Il me semble que oui.
- Peut-on trouver un seul moment où l'action prémédite l'intention ? Où le geste se fait avant la volonté de le faire.
- Çà va trop vite pour statuer sur toutes les actions. Un bus surgit devant moi. Bon, admettons que toutes les circonstances soient réunies pour que je ne l'ai pas entendu arriver. Par exemple, je sors d'un bain chaud détendu puis je sors dans la rue en marchant vite car j'ai une tisane chaude dans les mains tout en écoutant à fond de la bossa-nova dans mon casque. Je suis au summum de l'inattention.
- Fort probable...
- De quoi l'inattention ?
- Non, la bossa-nova à fond !
- Ah ! Bien, à ce moment là, surgit ledit bus. Je le vois me foncer dessus. Soit mes muscles se tétanisent soit je saute ! Nul besoin de penser, c'est un réflexe primaire non ?
- N'a-t-il pas fallu à ton cerveau pour réagir une capacité d'analyse et de traitement de l'information ?Une forme de reconnaissance de la situation choisie dans les tréfonds de ta mémoire et transcrite quelque part de manière suffisamment compréhensible pour t'ordonner d'agir. Une pensée pourrait avoir le temps d'émerger. Une pensée qui serait du genre : "Dégaaaaaaaaaaaaaaage !!!!!!" ou ne serait-ce qu'un polit :"Nom d'une pipe !!!!" ou "Diantre !" pour les plus élégants. A mon sens, ici encore, une pensée précède l'action.
- Purée, c'est possible !
- Après, on est pas tous les jours dans de telles situations. Ce qui me préoccupe, c'est tout le reste. Ce que nous faisons mécaniquement quotidiennement sans jamais nous poser la question de l'origine des mots.
- Au sens étymologique, bien-entendu ?
- Le second degré te perdra mon ami.
- Je rigole, oh ! Un peu de bossa-nova ?
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