En direct de maintenant (volume 3)
~~~~~~
Qu'en est-il des gestes ?
~~~~~~
- Un texte arrive dans ma tête. On appelle cela une pensée. Je fais sortir ce texte de ma bouche mais il semblerait qu'il ne sorte pas à 100% fidèlement. C'est la libre interprétation de l'artiste ?
- Disons que ça émerge spontanément. Et dans la spontanéité, il y a une part d'imprévisible. Pas qu'un peu d'ailleurs, non ?
- Oui, quand on est spontané on "calcul" pas. Comme cette réponse que je te donne du tac au tac.
- Ou cette réponse là.
- Ou celle-là.
- Oui, on a pas besoin de réfléchir nécessairement à chacun des mots qu'on prononce. On a une idée globale et on la modèle en la disant.
- On ne calcule jamais le fait de ne pas avoir pu décrire fidèlement dans ses moindres détails l'idée qui a d'abord émergée dans notre tête. Cette phrase résume l'idée.
- Tout comme ma réponse.
- Tout comme cette phrase.
- On arrête ?
- Ohhhh, c'était bien non ?
- Ya des gens qui lisent, ils vont fermer le livre/tablette/smartphone/écran...
- Bien. Voici une chose que je contrôle parfaitement : mes gestes.
- Mouarf !
- C'était quoi ça ? Un animal connu ? Un mélange de mouette et de chien peut-être ? Aujourd'hui, plus rien de m'étonne avec l'avancée de la Science.
- C'est une sorte de spasme que j'ai lorsque je vois un éléphant dans un couloir !
-...
- Non, il va pas voir quand même ?!
- Je nous ai ramené du tchaï ! Tu vois, j'avais l'intention de nous ramener du tchaï donc, de me lever, de marcher, de prendre ce qu'il faut, de revenir et de m'asseoir et de poser tout cela sur la table.
- Si on lit ce dialogue à partir de là, je voudrais voir la tête des gens qui lisent un mec de décrire tous ses faits et gestes. Remarque, ça peut intéresser...
- Oui des anthropologues ou des statisticiens, monsieur !
- Concentrons-nous un instant.
- Je m'estime déjà très concentré depuis tout t'à l'heure. Si je me concentre plus encore, j'implose.
- Tu as eu l'idée soudaine d'aller nous chercher du tchaï. Pour se faire, as-tu prémédité 100% de tes gestes ?
- Globalement, cela s'est fait tout seul non ? Après, je pourrais me concentrer sur chaque geste, chaque pas par exemple et pouvoir te dire que oui.
- Tu peux me décrire précisément la façon dont s'est dépliée ta jambe ?
- Ouh là, c'est compliqué non ?
- De la même manière, prenons le prochain geste que tu vas faire. On attend.
- Je fais quoi ? Un grand-écart ?
- Ah ! tu viens de te gratter la nez. Fort élégamment, au passage, je te félicite. Je n'imaginais pas qu'on pouvait mettre de la classe dans ce geste.
- Me flatterais-tu ? Je ne me suis même pas rendu compte que j'avais fait ce geste.
- Exacte. D'une part, c'est comme si tu n'avais pas choisis CE geste. D'autre part, on ne peut pas s'assurer que le geste, à l'instar des mots, soit retranscris fidèlement au moment de passer à l'acte si tu en avais eu l'intention. Tu le vois ?
- Hein, hein.
- Pire encore, il existe une infinité de façon de se gratter le nez. Et même de se gratter le nez avec élégance puisque les trajectoires suivies par la main pour rejoindre ton nez sont infinies.
- Ben quand même ! Justement on voit que ce n'est pas vrai. Tu citais l'élégance. Il n'y a pas une infinité de façon de se gratter le nez de manière élégante.
- Alors on repasse la scène précise où tu te grattes le nez et on fait varier ton bras d'un nanomètre plus haut ou plus bas (en imaginant qu'on puisse le faire). Le geste sera-t-il perçu comme différent ? Ne le qualifierais-tu pas d'élégant ? Pourtant le geste n'est pas strictement le même. Il y a un réelle différence entre "considérer que c'est pareil" et s'apercevoir que c'est bien strictement pareil au sens d'une trajectoire précise.
- Si je te suis dans ce délire. L’exécution d'un geste nous paraît retranscrire l'intention avec suffisamment de précision pour qu'on considère que l'idée soit passée. En réalité, cependant, nous ne choisissons pas au sens strict la façon exacte dont sera exécuté ce geste.
- Absolument. Tu peux faire le même constat avec tous tes sens.
- Ouh là, mais qui décide de la trajectoire précise de mon geste ou de la phrase qui sort réellement ?
- Ce sera pour une exploration ultérieure. Il faut d'abord qu'on fasse sa fête à ce qui précède tout cela : La pensée.
- C'est froid.
- Non, ne t'inquiète pas, ça ira tout doux. Va chercher une couverture bien chaude, comme chez mémé.
- Non, mais ton tchaï, là, il est froid ! Tu bavardes et puis voilà. Mes "à peu près" gestes t'avaient apporté cela "à peu près" élégamment. Et voilà, c'est froid maintenant. Je n'ai plus qu'à aller "à peu près" réchauffer tout ça !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire